De moins en moins présent dans les festivals et sur les ondes radios, le Rock se meurt. Flea, le célèbre bassiste des Red Hot Chili Peppers a lui-même déclaré au blog Fronstage cet été que l’art avait trépassé il y a maintenant quelques temps, faute de nouveauté et de diversité.
Les derniers gosses qui ont fait chier leurs vieux parce qu’ils gueulaient à la mort dans leur chambre sont désormais de bons cadres qui accompagnent leurs joggings matinaux par le dernier album de Taylor Swift. Alors oui nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que ce bon vieux Rock est mort depuis des années mais les avis divergent concernant la date précise.
Les plus pessimistes (ou les plus vieux) vous parlerons des années 80 (voir 70), qu’il n’y a rien eu de plus Rock n’ Roll que le hard et la naissance des premiers groupes de Heavy Metal… Laissons nos paternels avec leur nostalgie banale et concentrons-nous sur la décennie qui mérite débat : les années 90, apogée de l’Amérique. Pendant que les groupes anglo-saxons sont plongés dans l’héroïne, les américains inventent le Rock Suicide voué à génocider la musique une bonne fois pour toute. Pourtant, pour certains le glas n’est pas complètement sonné par la mort de Kurt. Les groupes du désert sortent la tête du sable et le Rock Alternatif a encore de belles années devant lui. Mais aujourd’hui il a malheureusement complétement perdu son identité, perdu dans la pop tape à l’œil et non-créative.
2016 so Hip-Hop
Alors quoi? Vous allez encore attendre le prochain album de Linkin Park pour vous motiver à monter sur votre planche à roulettes? Un peu de modernité ne vous ferez pas de mal. Nul n’est sans savoir que la montée en puissance des groupes de Rap afro-américains s’est plutôt bien entendue avec la descente aux enfers des groupes de grunges. Et si la guitare électrique s’est démodée, elle a laissé sa place au sampling et depuis peu à la musique assistée par ordinateur, dite MAO. Les rois de la scène sont aujourd’hui le Disc-Jockey et le Maître de Cérémonie qui ont su populariser leurs genres et sous-genres respectifs. Le Rap et l’Electro sont partout, de l’underground au populaire, Kendrick Lamar visite la Maison Blanche et votre voisin a vendu sa batterie pour organiser des open-mics dans son garage.
Vous voyez où je veux en venir ? Effectivement ça ne va pas vous plaire, fans de Motorhead et autres scarificateurs précoces. Mais c’est comme ça, on n’a pas le choix, le Rock est mort et il faut bien que quelqu’un s’occupe de reprendre le flambeau. Vous comprenez maintenant pourquoi Kanye West porte des t-shirts de Heavy Metal et collabore avec Paul McCartney ?
« Rock is the new Rock’n’Roll, we are culture, we are the Rockstars. […] I am the number one Rockstar on the planet » a déclaré Kanye lors de son interview chez Zane Lowe.
Mais vous allez voir le Hip-Hop c’est tout pareil qu’avant sans les hurlements et les solos d’une demie heure. On peut mettre des Converse, des pantalons troués, des vestes en jeans et prendre autant d’acides qu’on veut.
Les nouvelles rockstars
Outre l’engouement général autour du Hip-Hop, de nombreux signes portent à croire que les rappeurs sont les rockstars des temps modernes. Ce ne sont pas leurs groupies qui me contrediront, les Bus Tour des stars d’aujourd’hui sont toujours aussi animés, la weed se roule à flot et le champagne coule en masse. Ou l’inverse…
Mais le rapprochement entre les deux musiques est tout d’abord visuel. Le Hip-Hop, depuis longtemps, s’entend très bien avec les marques de skateboard les plus connues et les rappeurs s’offrent de nos jours des extravagances capillaires dignes des générations Woodstock. Bien que les prix aient augmentés exponentiellement, la frontière stylistique entre le Rock de tout temps et l’art de rue est de plus en plus mince et le Rap s’est tellement démocratisé qu’il donne le ton à toute une génération. A$AP Rocky et Travis Scott sont même devenus les nouvelles égéries des marques de luxe. Le ridicule apparaît lorsque les Kardashians se mettent à porter des t-shirts Slayer.
Comment parler de ces nouvelles rockstars sans évoquer le titre Black Beatles de Rae Sremmurd ? Bien que fortement aidé par le mouvement populaire du Mannequin Challenge le morceau s’est facilement propulsé en tête des charts. Les deux frères s’approprient le nom du légendaire groupe de Rock anglais et s’inscrivent parfaitement avec leurs deux albums dans ce contexte de Rock ‘n’Roll 2.0. Produit par Mike Will Made It, la participation de Gucci Mane (the Trap God) montre que la Trap a pris une dimension complètement différente dans le monde musical.
Comme pour tuer le père
Les similitudes musicales entre le Rap et le Rock sont plus ou moins évidentes.
On remarque assez facilement les références Rock chez certains artistes comme Yelawolf ou Action Bronson. Pour autant, certains s’efforcent de les mettre en avant à travers des collaborations. On peut noter récemment la présence de Jack White sur le dernier album, We got it from Here… Thank You 4 Your service, de A Tribe Called Quest ou celle de Zack de La Rocha (chanteur de Rage Against the Machine) sur le deuxième volume de Run The Jewels du duo Killer Mike/El-P. Simple hommage ou réelle transcendance artistique ? Ce qui est sûr c’est que la complicité entre les deux genres existe depuis toujours. La passation était déjà visible à travers Run DMC, Public Ennemy et surtout les Beastie Boys mais les cross-over sont devenus ponctuel après l’arrivée du Gangsta Rap.
Les clips sous acides du leader du A$AP Mob évoquent de manière plus subtile les années psychédéliques de la musique. De Robert Plant à Rod Stewart, Rocky utilise dans AT.LONG.LAST.A$AP, le « Sex, Drug & Rock’n’Roll » sous toutes ses formes à la limite du transgressif.
De son côté le jeune Denzel Curry tente de dépoussiérer le Heavy-Metal. Je vous conseille fortement d’entrer dans la matrice d’Imperial, le dernier projet du rappeur floridien. On ressent une énergie et une structure analogue aux morceaux trashs que l’on aime.
Du côté de la scène underground, Yung Lean, Keith Ape ou OG Maco représentent une classe punk qui veut se défaire des codes établis. On voit de plus en plus apparaître de marginaux tels que le très productif Bones qui propose une musique et des clips très sombres largement influencés par des groupes comme Pantera. Les comparaisons deviennent tirés par les cheveux me direz-vous. Le Black Metal a pourtant bien réduit son Bpm et troqué ses cordes vocales contre des 808 biens gras. Nous sommes conscients que certains satanistes devront s’adapter ou ils ne survivront pas à cette grande métamorphose.
Jusqu’où irons-nous ?
Les influences Rock se ressentent donc de plus en plus dans la culture urbaine confondant parfois les limites entre les deux genres. Alors le Rap a-t-il totalement remplacé le Rock au point de s’être dénaturé ? Non bien sûr le Hip-Hop s’est juste diversifié et existe aujourd’hui sous de nombreuses formes. Etendant de plus en plus ses frontières géographiques et musicales nous nous devons de garder l’esprit ouvert car tant que la musique évolue, elle survie au temps. Elle fusionne avec ce qui l’entoure et crée d’autres genres qui donneront vie à leur tour à des sous-genres. Et même si le Boom-Bap bat de l’aile et que la Trap écrase tout sur son passage, le Hip-Hop reste un art brut, comme celui des pères fondateurs. Alors ne vous inquiétez le Rap n’est pas prêt de mourir, et cela n’en déplaise à Nas.
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